Né sous un ciel printanier en l'an 1475, Yi Seon fut dès l'enfance un enfant d'une rare douceur. Fils unique du roi et de la reine, il grandit au sein du palais dans un monde d'or et de soie, mais aussi d'ombres et de silences lourds. Son père, souverain d'un tempérament distant, voyait en lui un héritier prometteur, quoique trop rêveur à son goût. Sa mère, femme d'une grande sagesse, tenta de préserver en lui cette lumière tranquille qu'elle percevait comme un don. Sous son regard attentif, le jeune prince apprit à lire les classiques, à écouter les maîtres, mais surtout à comprendre la souffrance du peuple.

Contrairement à la plupart des fils de rois, Yi Seon préférait les jardins aux salles d'armes. On le trouvait souvent assis près des cerisiers, un livre sur les genoux, observant le vent caresser les branches. Les eunuques murmuraient qu'il écrivait des poèmes trop tristes pour son jeune âge, mais il souriait toujours avec la même bienveillance.

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Au palais pourtant, sa naissance n'avait pas été accueillie par tous avec joie. Le roi avait déjà un fils né d'une concubine : le prince Yi Jeong, son aîné de cinq ans. La concubine, mère du second prince, nourrissait depuis longtemps le désir de voir son propre fils régner. Alors, elle tissa lentement un réseau d'espions et d'alliés, préparant dans l'ombre le jour où la fièvre du pouvoir renverserait l'ordre établi. Ambitieux et orgueilleux, Yi Jeong n'accepta jamais que l'enfant d'une autre femme devienne l'héritier du trône. Leur relation, faite d'apparences polies, cachait une rivalité profonde que la reine tenta vainement d'apaiser. Yi Seon, de nature pacifique, traitait son frère aîné avec respect et ne montrait jamais de rancune, même lorsque les regards de ce dernier se faisaient plus durs, plus lourds d'envie.

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Malgré son jeune âge, Yi Seon montra très tôt un attachement sincère envers le peuple. Il descendait souvent dans les jardins extérieurs du palais, là où les serviteurs et les enfants des fonctionnaires vivaient, écoutant leurs histoires avec une attention rare pour un prince. Lors des famines ou des hivers rudes, il intervenait auprès de son père pour alléger les taxes et distribuer les réserves de riz du palais au peuple.

On raconte également qu'il se déplaçait parfois incognito dans les marchés de Hanyang, habillé d'un simple hanbok clair, afin d'observer le peuple et écouter leurs doléances qu'il notait dans un carnet qu'il emportait partout avec lui. Contrairement à bien des princes élevés dans la distance, Yi Seon croyait que la grandeur d'un souverain se mesurait à la paix et au bien être de ceux qu'il gouvernait. Pour beaucoup il représentait un espoir fragile, celui d'un futur roi juste et éclairé.

Yi Seon était un jeune homme d'une rare douceur, animé d'une curiosité sincère envers le monde qui l'entourait. Il parlait peu, mais chacune de ses paroles semblait pesée, emplie d'une sagesse précoce. Calme, réfléchi, toujours mesuré, il préférait la compagnie des livres à celle des courtisans, et trouvait dans la poésie un refuge contre la lourdeur du pouvoir. On disait même qu'il avait le don d'apaiser les cœurs rien qu'en posant son regard sur eux.

Il aimait les choses simples, le bruissement des feuilles dans les jardins, le parfum du thé encore chaud, les discussions tardives avec les lettrés, et le rire des enfants des serviteurs qu'il croisait parfois en secret. Ce qu'il détestait en revanche, c'était la cruauté, la flatterie et les intrigues de la cour. Il ne supportait pas les mensonges prononcés avec un sourire, ni les ambitions déguisées en loyauté. Sous son apparente fragilité, Yi Seon cachait une profonde force morale, celle d'un cœur pur refusant de céder à la haine, même dans un monde qui semblait vouloir l'y pousser.

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Mais dans un monde gouverné par la soif de pouvoir, les âmes trop pures ne survivent jamais bien longtemps. A dix-neuf ans, le prince fut pris d'une forte fièvre soudaine. Les médecins s'empressèrent, les prières montèrent, mais nul remède ne fit effet. Le roi et la reine, dévastés, restèrent à son chevet, tandis que la concubine et son fils Yi Jeong priait pour le repos éternel de son âme, les larmes aux yeux mais le cœur apaisé. Yi Seon s'éteignit durant la nuit, après une semaine de souffrance à lutter contre la mort.

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Les annales retinrent la version d'une mort naturelle suite à une maladie. Mais dans les couloir du palais, les murmures s'élevèrent. Certains serviteurs affirmaient avoir vu dans les cuisines des fioles jetées à la hâte avant l'aube. D'autres affirmèrent que le second prince s'était montré d'un calme étrange, souriant, presque soulagé. 

Ainsi disparut le prince héritier Yi Seon, à dix-neuf ans, avant même d'avoir pu régner. Le peuple pleura sa perte comme celle d'un rêve brisé. Dans le silence des archives, son nom ne fut plus qu'un murmure entre quelques lignes. Mais pour ceux qui l'avaient connu,  il demeura ce jeune homme au regard clair, qui parlait d'un monde meilleur sans savoir que le sien allait l'engloutir.